_ Quand des réseaux puissants de mécréants islamistes s’en prennent au continent…
« Libye/ Terrorisme/ Chaos généralisé : Près d’une décennie après l’intervention militaire d’une « coalition internationale » dans ce qui était autrefois l’un des pays les plus prospères d’Afrique, au système social le plus avancé, le chaos de la Libye d’aujourd’hui, au-delà de la nécessité d’y trouver une solution durable, soulève surtout des interrogations quant à la manière dont les événements se sont enchaînés pour aboutir à une situation de chaos, dans le Sahel, en proie aux djihadistes, et en Europe déstabilisée par la crise des migrants. »
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1 – Libye : « Ils semèrent la désolation et l’appelèrent Paix »
Violences, traite d’humains, immigration et terrorisme sont aujourd’hui devenus les quatre cavaliers de l’apocalypse libyen, sept années après la révolution ayant abouti à la chute du colonel Mouammar Al-Kadhafi. Encore aujourd’hui, le monde entier se pose des questions sur la justesse d’un événement qui, à ses débuts, a été décrit comme une « victoire de la démocratie », une « victoire du peuple face au tyran ».
Près d’une décennie après l’intervention militaire d’une « coalition internationale » dans ce qui était autrefois l’un des pays les plus prospères d’Afrique, au système social le plus avancé, le chaos de la Libye d’aujourd’hui, au-delà de la nécessité d’y trouver une solution durable, soulève surtout des interrogations quant à la manière dont les événements se sont enchaînés pour aboutir à une situation de chaos, dans le Sahel, en proie aux djihadistes, et en Europe déstabilisée par la crise des migrants.(…)
(Ecofin Hebdo) – Vendredi, 21 septembre 2018/
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1 – Libye : un revers cinglant pour la communauté internationale
L’offensive déclenchée sur Tripoli par le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne, ramène le pays cinq ans en arrière, quand la guerre civile éclatait à l’été 2014. La Libye vient d’entrer dans sa troisième guerre civile depuis 2011. L’échec est cuisant pour une communauté internationale qui a fait preuve de son impuissance et de ses divisions. Huit ans après le début du soulèvement qui renversa le régime de Mouammar Kadhafi avec l’aide de l’OTAN, le pays n’en finit pas d’être en proie au chaos, livré aux chefs de milice ou aux tenants d’un militarisme régressif.
L’offensive déclenchée le 4 avril sur Tripoli par le maréchal Khalifa Haftar, le chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), ramène le pays cinq ans en arrière, quand la guerre civile éclatait durant l’été 2014. Si les combats restent relativement limités, ils font craindre le risque d’un embrasement plus général en Tripolitaine (Ouest). Une nouvelle fois, les civils vont payer un lourd tribut alors que, déjà, des informations font état de violations du droit humanitaire.
Les acquis engrangés depuis 2016 dans la lutte antiterroriste, en particulier contre la présence de l’organisation Etat islamique (EI), sont fragilisés. Cette dernière avait prospéré sur la fracture qui s’était ouverte entre l’Est et l’Ouest en 2014. La fragmentation du pays en fiefs rivaux et l’absence de gouvernement central avaient offert un terreau fertile à l’implantation de groupes djihadistes.
_ Duel entre l’Est et l’Ouest
L’accord signé à Skhirat (Maroc) en décembre 2015 devait réunifier le pays afin de mieux prévenir la dérive. Si cette réunification n’a pas eu lieu, les camps rivaux de l’Est et de l’Ouest, engagés dans un dialogue malaisé, avaient au moins cessé de se battre frontalement. L’accalmie avait facilité une mobilisation victorieuse contre les repaires extrémistes à Benghazi et surtout à Syrte, où l’EI avait établi son sanctuaire d’Afrique du Nord. Mais il y a tout lieu de craindre que la fracture qui se rouvre depuis dix jours libère des espaces que des groupes terroristes mettront à profit.
Pour la communauté internationale, l’éclatement de cette nouvelle guerre civile signe un revers cinglant. Le maréchal Haftar a déclenché les hostilités contre un gouvernement mis en place par les Nations unies elles-mêmes. Faïez Sarraj, le chef de ce « gouvernement d’accord national » installé à Tripoli depuis le printemps 2016, était un inconnu avant que les Nations unies ne le choisissent pour incarner la solution politique en Libye. Dès lors, l’autorité de M. Sarraj n’a cessé de faire l’objet d’un travail de déstabilisation, dans lequel le maréchal Haftar a joué un rôle-clé.
Soutenu par les Emirats arabes unis, l’Egypte et l’Arabie saoudite, l’homme fort de l’Est a considéré que M.Sarraj était à Tripoli l’otage des « Frères musulmans » et des « milices ». Or la vérité est qu’à partir de 2016 la frange islamiste la plus dure avait été évincée de Tripoli, même si M. Sarraj demeurait dépendant à l’égard des milices. Ces dernières étaient toutefois plus motivées par l’appât du gain que par l’idéologie.
Dans ce duel entre l’Est et l’Ouest, Haftar a capitalisé sur le ras-le-bol de la population vis-à-vis du désordre milicien. Pour autant, des capitales occidentales, dont Paris, qui l’avait soutenu dans ses opérations antiterroristes à Benghazi, n’auraient jamais dû se nourrir d’illusions sur les ambitions du maréchal. Haftar est partisan d’un régime militariste à rebours des idéaux de la révolution de 2011. Si le dialogue est nécessaire avec cet acteur « incontournable », le convaincre de renoncer à son entreprise de conquête par la force est impératif pour stabiliser la Libye.
Publié le 15 avril 2019/ Mis à jour le 15 avril 2019/
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2 – Le terrorisme islamiste est moribond en Syrie mais vivace au Sahel
La chute du dernier bastion du groupe Etat Islamique en Syrie semble imminente à Baghouz. Mais comme dans un miroir inversé, pendant ce temps, la menace islamiste se développe à nouveau au Sahel, en Afrique et au Burkina Faso. C’est le « Monde à l’envers ». Il ne faut jamais crier victoire trop tôt. C’est vrai en Syrie, où l’annonce prochaine de la chute de Baghouz ne signifiera pas pour autant la disparition totale du groupe Etat Islamique : il est défait militairement, mais son influence idéologique demeure forte.
Et surtout, le parallèle avec le Mali incite à la plus grande prudence. Car voilà bien un endroit où l’on a crié victoire trop tôt, en septembre 2013, après l’intervention française Serval. En ce printemps 2019, non seulement ça continue, mais ça se dégrade.
Hier, dans le centre du Mali, à Dioura, un commando islamiste a débarqué, à moto et en voiture, en plein milieu d’un camp de l’armée. Bilan : 21 morts. C’est l’opération la plus meurtrière contre l’armée malienne depuis 6 ans. Dans la même zone, près de la ville de Mopti, six autres personnes ont été tuées mardi dernier. Au total, tenez-vous bien, l’ONU a recensé l’an dernier 5 attaques terroristes par semaine dans le pays, avec au moins 500 civils tués en 12 mois.
Les combats, qui se concentraient dans le Nord, près de l’Algérie, il y a 6 ans, se sont donc déplacés vers le centre du Mali. Et ils ont gagné les pays voisins, le Niger, et surtout le Burkina Faso, où un tiers du pays vit sous l’état d’urgence : là aussi 5 morts le week-end dernier. C’est donc peu de dire que rien n’est réglé.
_ Une zone immense et incontrôlable
Six ans après, disons que le bilan militaire est… mitigé. Aujourd’hui, la force internationale sur place compte plus de 20.000 hommes : 5000 pour les opérations françaises Barkhane et Sabre, près de 4500 pour la force des pays de la région (le G5 Sahel) et environ 12.000 hommes de l’ONU. L’armée française se targue de quelques succès, non sans raison : elle affirme avoir « neutralisé » (c’est le vocabulaire militaire) 600 terroristes l’an dernier, dont le chef de la puissante Katiba Macina, Amadou Koufa.
Mais cette dernière élimination n’a jamais été confirmée. Et surtout, les soldats de Barkhane restent les seuls vraiment opérationnels : les hommes du G5 Sahel sont insuffisamment formés, et les Casques Bleus de l’ONU ne vont pas au front. En face, plus de 6 ou 7 mouvements islamistes continuent de prospérer. Ils ont quitté les centres urbains pour se disséminer dans les campagnes. Là ils instrumentalisent de vieux conflits ethniques, par exemple celui qui oppose les éleveurs Peuls aux agriculteurs Bambaras ou Dogons.
Ces islamistes sont beaucoup moins nombreux et beaucoup moins bien équipés que les soldats français avec leurs blindés, leurs hélicoptères, leurs drones. Mais ils sont insaisissables, dans cette immense zone désertique du Sahel. Plusieurs experts militaires estiment donc que l’intervention militaire française est partie pour durer très longtemps : 10, 15 ans. Si on ajoute que ça nous coûte au moins 1 million d’euros par jour, ça pose question.
_ Une reconstruction politique introuvable
Autant dire que l’échec est politique avant que d’être militaire !
Le conflit au Sahel perdure, d’abord parce qu’il n’y a pas de processus politique digne de ce nom: pas de budget pour l’éducation, peu d’infrastructures, un accès souvent inégal à la terre et aux ressources, pas de plan de reboisement ou de relance des cultures, etc. Ajoutons que la coalition internationale couvre parfois les pratiques discutables de certaines milices et qu’elle a pour principal allié dans la région, le Tchad. Or le Tchad d’Idriss Deby, c’est sans aucun doute une armée organisée, mais ce n’est pas le champion de la démocratie.
Comme on se montre incapable de proposer un modèle de gouvernance séduisant, il n’est pas étonnant que les groupes islamistes continuent de séduire des populations plongées dans la pauvreté. Revenons-en à notre miroir inversé de départ : même s’il y a beaucoup de différences entre le Sahel et le Moyen-Orient, il y a un point commun. Non seulement il ne faut pas crier victoire trop tôt contre les groupes islamistes, mais surtout il faut reconstruire politiquement au plus vite. Sinon les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et les mouvements extrémistes finissent par réapparaître, sous une forme ou une autre. Inexorablement.
L’équipe/ Jean-Marc Four- Chroniqueur/ Lundi 18 mars 2019/ Par Jean-Marc Four
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3 – Aperçu des réponses sécuritaires régionales au Sahel
L’augmentation des attaques des groupes terroristes au Sahel, couplée aux défis transfrontaliers tels que le trafic de drogues, le trafic d’êtres humains, les migrations et les déplacements de population, ont provoqué un ensemble de réponses sécuritaires tant régionales qu’internationales.
Pour faire face à la menace croissante posée par les groupes islamistes militants au Sahel, des initiatives majeures en matière de sécurité ont été lancées dans la région :
_ MINUSMA
La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a été mise en place par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 25 avril 2013. Conformément à son mandat, elle est chargée de contribuer à ramener la sécurité et de soutenir le processus politique au Mali, après le coup d’État et l’offensive djihadiste ayant déstabilisé le pays en 2012-2013. Parmi les 57 pays contributeurs de troupes figurent le Burkina Faso, le Tchad, le Bangladesh, le Sénégal, l’Égypte, le Togo, le Niger, la Guinée, l’Allemagne et la Chine.
Les soldats sont déployés sur 13 sites et couvrent 3 secteurs, le siège étant basé à Bamako, la capitale :
. Secteur Nord (Kidal, Tessalit, Aguelhoc)
. Secteur Est (Gao, Ménaka, Ansongo)
. Secteur Ouest (Tombouctou, Diabaly, Douentza, Goundam, Gossi, Mopti, Sévaré)
Depuis 2013, 191 casques bleus de la MINUSMA ont perdu la vie, dont 118 dans des actes de nature hostile, faisant de celle-ci l’opération de maintien de la paix la plus meurtrière au monde aujourd’hui.
_ Force conjointe du G5 Sahel
Le G5 Sahel est une organisation sous régionale, établie en 2014 sous forme de partenariat intergouvernemental entre le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Elle vise à soutenir la coopération en matière économique et de sécurité au Sahel et à faire face de manière conjointe aux défis humanitaires et sécuritaires, notamment les attaques des groupes terroristes. En 2017, le G5 Sahel a lancé une alliance militaire, la Force Conjointe du G5 Sahel (FC-G5S).
Le concept d’opérations de la Force conjointe du G5 Sahel repose sur quatre piliers :
. Combattre le terrorisme, le trafic de drogues et le trafic d’êtres humains
. Contribuer à la restauration de l’autorité de l’État et au retour des réfugiés et des déplacés
. Faciliter les opérations d’assistance humanitaire et d’aide aux populations vulnérables
. Contribuer à la mise en œuvre des stratégies de développement dans la région du G5 Sahel
S’étendant sur 5 millions de kilomètres carrés – soit plus ou moins la distance entre la côte Atlantique de l’Europe et la ville de Moscou, les pays du G5 ont d’ores et déjà déployé des troupes sur trois fuseaux (Ouest, Centre et Est). Chaque bataillon est composé d’environ 650 soldats, pour un total de 5 000. Par ailleurs, au-delà de ces efforts en termes d’effectifs de la part des pays du G5, la FC-G5S est soutenue par une coalition de 26 pays et par l’Union européenne.
_ Contributions annoncées par les pays du G5 Sahel
Pays | Effectifs mis à disposition de la FC-G5S | Effectif total des forces armées | Effectifs déployés dans un cadre ONU ou d’autres opérations de paix |
Mali | 1 100 soldats; 200 gendarmes | 15 570 | 50 soldats auprès de missions de l’ONU |
Burkina Faso | 550 soldats; 100 gendarmes | 9 100 | 2 100 soldats auprès de missions de l’ONU |
Niger | 1 100 soldats; 200 gendarmes | 14 200 | 975 soldats auprès de missions de l’ONU; 1 000 auprès de la FMM1 |
Tchad | 550 soldats; 100 gendarmes | 30 300 | 1 500 soldats auprès de missions de l’ONU; 2,000 auprès de la FMM |
Mauritanie | 550 soldats; 100 gendarmes | 17 000 | 1 050 soldats auprès de missions de l’ONU |
1 Force multinationale mixte. Mise en place pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram, elle rassemble le Nigéria, le Tchad, le Niger, le Cameroun et le Bénin.
_ Opération Barkhane
Le 10 janvier 2013, la France lançait l’opération Serval au Mali pour stopper une insurrection djihadiste qui menaçait de s’emparer de la capitale et de renverser le gouvernement de Bamako. En août 2014, Serval est devenue l’opération Barkhane, qui vise à appuyer les forces armées des pays de la bande sahélo-saharienne pour lutter contre les groupes armés terroristes et à empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région.
Elle dispose pour cela d’environ 4.500 soldats et d’un budget approximatif de 700 million d’euros par an. Ses trois bases principales sont réparties entre le siège de l’opération, basé à N’Djaména (Tchad), et deux autres postes de commandement situés à Niamey (Niger) et à Gao (Mali). En octobre 2018, à la demande du gouvernement burkinabè, le théâtre d’opération de Barkhane s’est élargi au Burkina Faso, qui fait face à une augmentation fulgurante des attaques de groupes terroristes.
_ Missions de l’Union européenne au Mali et Niger
EUTM Mali contribue à la formation militaire des Forces armées maliennes (FAMa). Son objectif est de renforcer les capacités des FAMa et de leur permettre de mener des opérations militaires visant à réduire la menace constituée par les groupes terroristes pour la population et l’intégrité territoriale du Mali.
EUCAP Sahel Mali prodigue des conseils et forme des éléments de la police nationale, de la gendarmerie et de la garde nationale en vue de permettre la mise en œuvre des réformes décidées par le gouvernement. Ses missions visent à contribuer à améliorer l’efficacité opérationnelle, soutenir les capacités de commandement et de contrôle et renforcer le rôle des autorités judiciaires et administratives dans le cadre de leur redéploiement dans le nord du pays.
EUCAP Sahel Niger a pour mission de renforcer l’État de droit au Niger à travers la réalisation de formations, de conseils et de soutien aux forces de sécurités nigériennes (police nationale, gendarmerie et garde nationale). L’objectif à terme est aussi de favoriser l’efficacité et la coordination, à l’échelle régionale et internationale, dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique/ 5 mars 2019
https://africacenter.org/fr/spotlight/apercu-reponses-securitaires-regionales-sahel/
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4 – Dans le Sahel, les chrétiens, nouvelles cibles des terroristes ?
Lundi 13 mai, un prêtre du village de Dolbel, dans la région de Tillaberi, dans l’ouest du Niger, à la frontière avec le Burkina Faso, a été blessé par balles par des hommes armés non identifiés qui ont attaqué son presbytère. Cette attaque, qui intervient après trois attaques de communautés chrétiennes en quelques jours, inquiète. Lundi 13 mai au soir, les catholiques du Burkina-Niger ont été victimes d’une attaque terroriste pour la troisième fois en deux jours. Deux individus armés et à motos se sont présentés à la paroisse de Dolbel, dans l’ouest du Niger, à la recherche de prêtres.
Ils « se sont rendus chez la femme du gardien de l’église pour lui demander :”où sont les prêtres”. Elle a répondu qu’ils n’étaient pas là. Alors, les assaillants se sont énervés et ont commencé à tirer des coups de feu. Les prêtres sont sortis et l’un a reçu deux balles au pied et à la main », a expliqué le père Thomas Codjovi, chargé de la communication de la mission catholique du Niger.
Les assaillants se sont ensuite saisis d’« un véhicule de la mission » et sont partis avec. Selon le père Codjovi, le prêtre blessé « est actuellement sous la protection d’un détachement militaire basé à Wanazarbé », une localité proche, « en attendant son évacuation sur Niamey ». Quant au deuxième prêtre en poste à Dolbel, il « a déjà été acheminé dans la capitale pour plus de sécurité ».
_ Deux prêtres de la Conférence épiscopale Burkina-Niger enlevés
Cette attaque est la troisième en deux jours, qui touche une communauté catholique du Burkina-Niger. Le même jour, dans la province de Bam, dans le nord du Burkina Faso, alors qu’ils effectuaient une procession mariale, quatre catholiques de la paroisse Notre-Dame du Lac ont été tués. La veille, six autres du diocèse de Kaya avaient été tués pendant la messe à Dablo. Avant ces attaques contre les catholiques, le 29 avril, six chrétiens évangéliques avaient été tués lors de l’attaque de l’église protestante des Assemblées de Dieu à Silgadji dans le nord du Burkina Faso.
Un peu plus tôt, deux prêtres de la Conférence épiscopale Burkina-Niger ont été enlevés et l’on demeure toujours sans nouvelles d’eux. Le père Pier Luigi Maccalli, prêtre italien de la Société des missions africaines (SMA), a été enlevé dans la nuit du 17 septembre, à Bamoanga, dans la région de Tillaberi, dans l’ouest au Niger. Le 17 mars, c’est le père Joël Yougbaré, curé de Djibo, dans le diocèse de Dori, dans le nord-est du Burkina Faso, qui était enlevé.
_ Éliminer la présence chrétienne ou créer des tensions religieuses ?
Ces attaques répondent-elles à « une stratégie visant à créer des tensions religieuses » dans une zone où la cohabitation entre chrétiens et musulmans était, jusque-là, harmonieuse ou plutôt à « éliminer la présence chrétienne » dans le Sahel ?
Pour Corinne Dufka, de Human Rights Watch, les attaques ciblées contre les chrétiens sont une stratégie « pour faire monter les tensions ethniques et déstabiliser le pays ». « C’est quelque chose qui rentre dans la logique des terroristes. Ce n’est que le prolongement des modes opératoires », estime quant à lui, Paul Oumarou Koalaga, consultant en géopolitique et spécialiste du Sahel.
Mgr Théophile Naré, évêque de Kaya, s’inquiète pour sa part et lit dans ces attaques une volonté d’« éliminer la présence chrétienne ». Évoquant la peur qui a gagné les chrétiens de Dablo après l’attaque du 12 mai, il a rappelé que les assaillants ont dit aux victimes qu’ils les tuaient parce qu’elles ne pratiquaient pas la « vraie religion ». « De plus, ils ont tiré sur le tabernacle. Quel message plus clair pour dire :’Nous ne voulons pas que vous, chrétiens, pratiquiez votre religion’? », a-t-il ajouté.
_ Appels à l’union contre l’extrémisme violent
Interrogé sur ces attaques par des journalistes, mardi 14 mai, en marge d’une rencontre des Conférences épiscopales régionales d’Afrique de l’Ouest (Cérao), le cardinal Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou, a invité toutes les religions présentes au Burkina Faso-Niger à s’unir pour vaincre l’extrémisme violent. Mgr Séraphin Rouamba, archevêque métropolitain de Koupela, a, de son côté, plaidé pour la paix malgré la douleur, lors des obsèques des six victimes de Dablo, lundi 13 mai.
« Cela fait des années et des années que nous travaillons ensemble, a-t-il rappelé. Musulmans, protestants, catholiques, ceux de religions traditionnelles, nous avons toujours marché main dans la main. Par conséquent, il ne faut pas que des actes aussi tragiques puissent venir nous séparer ».
Lucie Sarr/ le 15/05/2019
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5 – Burkina : les attaques jihadistes détruisent l’harmonie entre chrétiens et musulmans
Les attaques récentes des jihadistes contre des chrétiens du Burkina Faso ébranlent la cohabitation harmonieuse entre religions dans ce pays pauvre du Sahel où des violences intercommunautaires ont déjà commencé à émerger. “Le Burkina a toujours été réputé comme un pays de tolérance. Nous devons travailler à maintenir cette richesse que nos ancêtres nous ont léguée”, a déclaré le président Roch Marc Christian Kaboré.
Le “pays des Hommes intègres” compte 65% de musulmans pour 35% de chrétiens, selon des chiffres de 2018, et était jusque là souvent cité en exemple pour la coexistence pacifique entre les deux communautés. Depuis quatre ans, le Burkina est confronté à des attaques fréquentes et meurtrières, attribuées à des groupes jihadistes, dont Ansarul Islam, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’organisation État islamique au grand Sahara (EIGS).
D’abord concentrées dans le Nord, elles ont ensuite visé la capitale Ouagadougou et d’autres régions, notamment l’Est, et fait depuis 2015 près de 400 morts, selon un comptage de l’AFP.
_ Moins de couples mixtes ?
Depuis deux semaines, les chrétiens sont particulièrement ciblés. Trois attaques récentes semblent prouver qu’il s’agit d’une nouvelle stratégie. Quatre catholiques ont été tués lundi dans le Nord lors d’une procession, alors que deux églises, une protestante et une catholique, ont été attaquées dans les jours qui précédaient (12 morts). “Les attaques prennent de plus en plus pour cibles édifices et responsables religieux, visant ainsi à opposer les différentes confessions”, estime Aboubacar Hugo, de la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB).
Les appels au calme et à l’union contre le terrorisme de toutes les ethnies et confessions se multiplient. “La nouvelle tactique de notre ennemi commun consiste à nous diviser, à nous opposer. Il nous appartient d‘éviter ce piège, en travaillant à renforcer la tolérance légendaire qui a toujours caractérisé les relations entre toutes les confessions religieuses dans notre pays”, a réagi le chef de file de l’opposition Zéphyrin Diabré. “Nous devons, les confessions religieuses et l’ensemble du peuple, dire non on ne nous embourbera pas dans cette dynamique, ce dérapage ethniciste, religieux“, dit Mgr Philippe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou.
“Nous sommes un peuple, nous resterons un peuple, les grains d’un seul panier.” Mais les fissures sont apparues. Les différences ethniques se confondent parfois avec la religion. Les peuls (qui sont musulmans) sont de plus en plus stigmatisés. De nombreux jihadistes appartiennent à cette ethnie, provoquant un amalgame entre peuls et jihadistes et même entre musulmans et jihadistes. Les litiges historiques (nomades-éleveurs peuls traversant les champs de populations sédentaires) favorisent d’autant plus le phénomène.
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